La pratique du tatouage est répandue en Polynésie car elle est héritée des ancêtres, elle fait partie de la culture locale. Originellement réalisé à l’aide d’un bambou et d’os, le tatau (tatouage) revêtait différentes significations : ornement esthétique, indicateur de statut social, lien avec les ancêtres, qualités de l’homme ou de la femme qui l’aborde. Il a une profonde symbolique.
Souvent confiné aux motifs marquisiens, le tatouage polynésien a bel et bien fleuri au sein de tous les archipels polynésiens ! Les pratiques du patutiki varient d’un espace à l’autre et participent de la richesse culturelle de la Polynésie. Ainsi, aux Tuamotu, Gambier, Australes, le tatouage est répandu, avec des motifs, des significations et des usages similaires, mais aussi des différences.
Au sein de ces trois archipels, les pratiques du tatouage ont traversé les mers ! En effet, pour représenter les prouesses guerrières des iliens, les Tuamotu, Gambier et Australes recouraient aux mêmes figures: motifs géométriques, triangles et damiers symbolisent la vaillance des hommes. Les îles se distinguent les unes des autres par les différentes dispositions ces symboles. On note également des différences dans les pratiques, les motifs et dans la finesse d’exécution du tatouage.
Aux Tuamotu, le tatouage se pratiquait essentiellement dans les atolls de l’ouest, et peu de Paumotu étaient tatoués entièrement – jusqu’au visage. Les motifs propres aux atolls sont les dents de requins, les damiers et les motifs empruntant au tapa : ce sont des symboles guerriers. Les femmes, quant à elles, ont des tatouages plus fins, avec des lignes simples sur les bras et les jambes et des motifs géométriques sur les mains. Rangiroa se démarquait par ses hommes entièrement tatoués avec des motifs de flammes et de dents de requin.
Dans les Gambier, le tatouage était obligatoire pour les hommes. L’archipel se distingue par la finesse de ses tatouages : c’est là que la recherche esthétique et symbolique autour du tatouage a été la plus poussée. Le cas de Mangareva mérite l’attention : les hommes arborent un motif unique qui évolue au cours de leur vie. Les adolescents se faisaient tatouer un cercle sur les épaules et dans le dos et, au fil des ans, ce cercle était peu à peu noirci afin de laisser apparaître une croix blanche en son centre. C’est un motif et une pratique propres à cet atoll.
Enfin, Aux australes, le tatouage est moins répandu. Les motifs empruntent au tapa ses larges bandes horizontales et ses fioritures. Également, les hommes se font tatouer de larges bandes noires parallèles, sur les épaules, les flancs et les bras. C’est une particularité de cet archipel : par exemple, les habitants de Rurutu n’étaient pas tatoués sur le dos, mais sur le torse et les bras.
Tahiti et les îles de la Société ayant fait l’objet d’une forte occupation de la part des missionnaires au XIXe siècle, le tatouage a été mis en péril par l’imposition d’une culture exogène. Gambier, Tuamotu et Australes ont également été touchés par la perte des savoirs ancestraux, notamment dans le domaine du tatouage. Aujourd’hui, la machine à tatouer a remplacé le bambou et les os ; les motifs paumotu ne sont plus tatoués, et ils ont été remplacés par des animaux marins. Ces derniers sont chargés de symbolique, ce qui permet au tatouage de conserver sa valeur spirituelle originelle. Un tatoueur de Rangiroa (Jems), nous explique par exemple que les requins et les dauphins sont des protecteurs de la famille, la raie et la tortue symbolisent la beauté des Tuamotu. Se faire tatouer ces animaux consiste à se placer sous leur protection ou à ancrer en soi un lieu sublime.
Si les pratiques et motifs ont évolué au cours des siècles, aujourd’hui, Paumotu, et Polynésiens sont revenus au tatouage et cet engouement pour la culture ancestrale permet l’affirmation identité forte et complexe, faite de l’héritage des anciens et de la modernité.