Recensé sur nombre d’atolls, aussi bien Anaa, Niau ou encore Vahitahi, le pūpū est largement ramassé à Rangiroa. On accorde à ce mollusque une attention singulière car il se distingue de ses confrères maritimes vivant dans les profondeurs du lagon ou languissant sur le sable des plages.
Vous ne trouverez pas le pūpū au bord de l’eau car il se cache sous la terre. Plus exactement dans les entrailles du sol corallien des motus, « au secteur » donc. Passionné de coquillages auxquels il a édifié le musée Motu Trésor, à Huahine, Frank De Cagny nous confie quelques indications à propos des gisements. « Il me semble que c’est à la faveur de tempêtes, la houle remuant tellement le sable, que les gastropodes sont jetés sur le rivage. Ainsi échoués, ils s’agglutinent autant au sable qu’à la terre et finissent enfouis. »
C’est peut-être en raison de leur très petite taille, à peine 1 cm, qui les rend si difficiles à repérer que cette méthode de collecte terrestre prévaut sur l’extraction aquatique et de nuit sachant que la grande majorité des coquillages ont une vie nocturne. Quoi qu’il en soit, la cueillette des pūpū n’est pas de tout repos !
Les ramasseurs, dont le métier consiste à collecter nombre de spécimens pour les artisans-joaillers partout en Polynésie, doivent d’abord localiser les gisements situés entre 30 cm et jusqu’à 2 m de profondeur. Le travail consiste à creuser avec force le substrat pierreux de l’anneau corallien afin de mettre au jour les coquilles. « On utilise des petits râteaux ou des binettes de jardinage, rapporte Valentine Cheng qui se souvient en avoir cherché avec sa maman quand elle était enfant. À mains nues, on s’abimerait carrément les doigts tellement le sol est dur. »
S’ensuit un patient travail de tri à l’aide de tamis de plus en plus fins. À ce stade, le pūpū est méconnaissable, aussi sale et marron qu’un caillou quelconque. Une fois lavé dans la mer, puis javellisé, il révèle sa couleur : jaune, orange, blanc crème et même rouge pour certains d’entre eux. « Quand c’est plein la boîte de punu pua’atoro, la journée est bonne ! », s’exclame l’artisane Tehea Pambrun qui séjourne régulièrement à Rangiroa pour remplir son atelier de bijoux des précieuses littorines.
Le labeur n’est cependant pas fini ; il reste encore à retirer un par un et à la main les infimes débris de corail ayant échappé au dernier tamisage afin de constituer des sacs parfaitement purs. Ce travail harassant, effectué majoritairement accroupi et sous l’ardeur du soleil est rémunéré de l’ordre de 1200 F à 2400 F le kilo en fonction du degré de propreté des sacs.
Finalement, le pūpū se retrouve enfilé dans une panoplie extraordinaire de créations artistiques. On le croise en guirlandes à l’intérieur des maisons, en luminaires dans les églises, en festons au-dessus des tombes ou encore associé à d’autres coquillages dans l’artisanat éclectique des bijoux. Si sa place va, de nos jours, de la décoration à la parure, il demeure surtout un symbole de bienvenue en tant qu’élément traditionnel des colliers de départ et d’arrivée à Rangiroa. En atteste le double sens du mot qui signifie également « présenter, offrir, donner », comme l’indique l’Académie tahitienne – Te Fare Vāna’a.