“Les anciens nous ont appris que chaque chose en son temps, tu prends ce dont tu as besoin et le reste tu le laisses.”
Originaire de Arue, Ruaruhina entendit naguère l’écho de ses ancêtres, l’incitant à revenir pour entretenir et porter de ses mains les terres de Rangiroa. Un éveil qui ne cherchait qu’à se révéler. Elle nous parle de culture, d’identité et de cette importance de transmettre pour les générations futures. Une génération actuelle qui se perd dans les rouages de la modernité. C’est donc guidé par les étoiles et la mer que nous allons à la rencontre de cette femme aux grandes ambitions pour tenter d’ouvrir le monde et de protéger la terre de nos ancêtres.
Notre culture ainsi que nos savoirs ont subi moult interdictions dans le passé. Grâce aux résistants, au détournement du tatouage sur la sculpture, à la pratique clandestine des langues, les Polynésiens ont préservé leur identité et leur savoir-faire. Certaines pratiques ancestrales perdurent toutefois, bien que modernisées par nos manières de consommer. En effet, le mode de consommation a changé, que cela soit pour se vêtir, pour construire ou pour se nourrir, l’on ne compte plus et l’on a de moins en moins conscience de nos actes.
« Quand tu vas récupérer le coco en brûlant ces cocoteraies, ces Aihere, il y a des oiseaux, des crabes, des plantes endémiques, des centenaires qui y sont. On ne respecte plus l’être vivant. »
Détentrice d’un CAPL agriculture et pêche lagonaire, Ruaruhina vit de la pêche et du coprah. Suite à de nombreux voyages en Nouvelle-Zélande, à Hawaii, aux Marquises mais aussi aux Australes, elle revient avec un projet dans l’agriculture en filière cocoteraie. Elle souhaite mener à bien un projet d’unité en agro transformation à Rangiroa.
« Souvent, des gens disent qu’il n’y a rien à Rangiroa. Mais qu’attende-t-ils pour apporter à cette terre ce qu’il manque ? Il y a un potentiel énorme sur nos terres lié aux pratiques de l’entretien de cet environnement. »
Ce qui fait de Ruaruhina une femme aux grandes ambitions, c’est sa volonté de changer les esprits en étant à l’écoute de son entourage, pour ainsi engager un espace de partage et de compréhension. Fille d’une famille d'orateurs et au contact des aînés, elle souhaite transmettre ce savoir à son entourage, aux jeunes, aux personnes qui veulent le recevoir.
Et malgré une recrudescence de la culture depuis quelques années, celle-ci réside sur une corde sensible où les jeunes générations tanguent. Indécise et fragile identité, rattachée à ces valeurs perdues par la perte des matahiapo (les personnes âgées) et de l’éloignement de cette nouvelle génération.
« Ces jeunes ont besoin de ce retour aux sources, quand les anciens savaient lire les étoiles, naviguer sur les océans et lire le calendrier lunaire pour la pêche. »
Retourner aux origines, puiser, aller à l’intérieur, se retrouver pour mieux se comprendre soi-même. Ruaruhina regroupe les derniers transmetteurs pour apprendre et partager ce savoir jusqu’à le numériser, pour le protéger d’une disparition certaine.
« Quand tu transmets le « savoir », le mot dit tout. Il n’y a plus cette quête continuelle de savoir « qui je suis », « où je vais », de prouver quelque chose. »
Et c’est avec une certaine humilité qu’elle nous fait ouvrir les yeux sur une évidence : Il n’y pas seulement la famille, il y a plus grand que cela. Il y a notre identité, notre culture et notre savoir-faire qui nous définissent, comme être vivant dans cette société.